Transformer ses hauts fonctionnaires en pitres, amuseurs de cirques pour les faire jouer le rôle clownesque de censeurs sélectifs et ciblés du jeu électoral, ce Sénégal-là, celui d’octobre 2023, de Macky Sall, est méconnaissable.
Un agent judiciaire de l’État rattaché administrativement au ministère des finances et du budget, « obligé » de s’impliquer dans un contentieux électoral concernant une seule personne, sans retombées pécuniaires pour l’État dont il est censé défendre les intérêts.
Un directeur général des élections qui use de
cachoteries pour ne pas rencontrer le mandataire d’un candidat rétabli dans ses droits d’être électeur et éligible par une décision de justice pour lui remettre ses fiches de parrainages.
Des juges de la Cour Suprême sommés d’enrôler expressément un dossier de diffamation
porté en cassation il y a seulement quelques mois alors que d’autres qui l’ont précédé depuis des années attendent encore dans les tiroirs poussiéreux de la juridiction suprême.
Dites-moi, quel est ce seul pays au monde où une condamnation minimale à des peines de
prison en sursis ou d’amande pour un simple délit de diffamation pourrait invalider définitivement la candidature à l’élection présidentielle du leader de l’opposition?
Ce pays est méconnaissable dans l’expression protéiforme de sa singulière trajectoire revancharde
revêtue des oripeaux officiels de l’État pourtant réceptacle mythique du désir collectif de vivre ensemble dans une même nation, exprimé par un seul peuple, poursuivant le même but!
Tout cela du seul fait du Prince qui, incapable d’entrer pendant 12 ans dans les habits sacrés du chef de l’État, de saisir le sens de l’histoire, piétine l’élégance, la bonne mesure, la hauteur, le sens du dépassement, l’adversité strictement républicaine, préférant
descendre dans les profondeurs abyssales de ce piètre combat de belluaires et autres mirmillons.
La peur obsessionnelle et quasi irrationnelle de Ousmane Sonko n’a pas de limites.
Dans cette chute de la moralité et le dépérissement progressif de l’humain au pouvoir, l’on confond tout.
Mais le plus pénible est la perversion du droit soumis aux contorsions du politique, voguant au gré des humeurs d’un chef finissant mais soucieux de
son héritage lourd de contentieux aux multiples dimensions (meurtres, tortures, prisonniers politiques, détournements de fonds publics, règlements de comptes, justice à deux vitesses, recrutements d’insulteurs publics promus à des postes nominatifs ou électifs, privatisation de la sécurité nationale, instrumentalisation de la justice, politisation outrancière de l’administration électorale, etc.) impliquant des proches qu’on ne voudrait jamais voir subir le sort que l’on fait vivre pourtant aux autres au nom de l’arbitraire d’État.
Mais tant que vous y êtes avec Ousmane Sonko, puisque que vous ne voulez plus le voir
ni électeur, ni éligible, ni même justiciable, pourquoi ne pas demander si promptement et si clairement à des « juges sur commande » de prononcer de façon définitive la déchéance de sa nationalité sénégalaise? Pénible de vivre ces moments et de ne pouvoir rien faire, sinon d’écrire pour exprimer le dégoût de voir ce pays qu’on aime si profondément prendre le sens inverse de l’histoire, celui de la douloureuse régression démocratique.
Ndiaga Loum, professeur titulaire, UQO