Le littoral sénégalais, depuis un bout de temps, défraie sensiblement la chronique. Des débats très agités, dans lesquels spécialistes, officiels, citoyens lambda, versent leurs prétentions. Ce qui témoigne encore une fois de la vitalité démocratique qui règne dans ce pays, surnommé « laboratoire de la démocratie en Afrique ». En clair, Les sénégalais sont particulièrement attachés à leur liberté de ton et de parole sur la gestion de la chose publique. Les discussions très passionnantes qui ont emmaillé l’agression sauvage faite au littoral en particulier, et au foncier en général, en disent long.
Faisant 700 km de côte, le Sénégal figure en Afrique de l’ ouest, parmi les pays les plus dotés par la nature. En effet, son ouverture vers le grand bleu, l’envergure des ressources biologiques et non biologiques dans sa zone économique exclusive, la richesse de son sous-sol, prouvent incontestablement que ce pays est une terre bénie. Partant, il n’est superflu de dire que si l’Afrique de l’ouest avait la forme d’ un revolver, le Sénégal en serait la gâchette, pour paraphraser Frantz fanon quand il chantait les ressources incommensurables de la RDC. Mais, figurez-vous, ce pays, tout comme le Sénégal, demeure un mendiant assis sur une mine d’or, pour reprendre le pape de l’égyptologie (CAD).
Cette contradiction révoltante n’est que la résultante d’une soixantaine d’années de gouvernances calamiteuses, gabégiques et claniques. La gestion dégoutante du littoral administre la preuve la plus édifiante. En effet, le grignotage, à petit feu, du littoral a démarré pendant l’ère senghorienne. Après la dévolution fraternelle du pouvoir en 1981, le gouvernement de Diouf a opiné dans le même sens que son prédécesseur, mais avec un rythme bien calibré.
Cependant, après la première alternance de 2000, le projet de patrimonialisation du littoral a pris des proportions très surdimensionnées. Le régime des juristes, conduit par le pape du Sopi a fait pire, mais moins que son successeur. Macky et son régime ont battu tous les records. L’orthodoxie foncière a été périclitée, à qui mieux mieux, par ce régime, adepte de la boucherie foncière et humaine. Concrètement, Wade et son tombeur ont dépassé toutes les limites en matière de mauvaise gouvernance foncière. En réalité, les grands propriétaires terriens sont des dignitaires ou des proches de ces deux hommes, responsables au premier chef de la répartition injuste et scandaleuse du lit foncier. La ribambelle de scandales fonciers, avec comme têtes de peloton, le littoral et Mbour 4 (la liste n’est pas exhaustive), où des politiciens véreux, avec la complicité de certains fonctionnaires sulfureux, tyrannisés par l’appât du gain illicite, en font leur propriété privée, au dépens du « peuple propriétaire », nécessitent des mesures hardies pour couper l’hémorragie foncière.
En vérité, il est plus que urgent pour le duo implaccable, nouvellement plébiscité, de repenser la carte foncière, particulièrement le littoral pour qu’il retrouve son lustre d’antan. C’est à dire un ilot, où tous les citoyens, sans exception aucune, y trouvent leur compte. Pour y aboutir, les nouvelles autorités, exerçant un mandat plébiscitaire, doivent systématiquement auditer l’attribution des titres sur le littoral et sur certaines propriétés foncières douteuses. Au sortir de ce diagnostic, toutes les constructions à usage d’habitation ou commercial irrégulières, doivent être démolies ou/et restituées purement et simplement, sans hésitations.
En outre, une sur- taxation fiscale n’est point une idée saugrenue. En effet, une fiscalisation excessive pourrait être un redoutable outil de dissuasion, pour l’ application stricte du principe de pollueur payeur.
Inspiré de la théorie économique, ce principe véhicule l’idée selon laquelle la pollution doit être supportée par l’agent économique. En clair, les dégât sociaux sont internalisés dans les coûts de production de l’établissement exploitant. Il est consacré par le principe 16 de la déclaration de RIO. Principe universel, sa transposition interne reste fondamentale, car l’ordre international et celui national sont des compléments indissociables. C’est ainsi que le code de l’environnement du Sénégal de juin 2023 dispose, avec une précision chirurgicale, que « toute personne, dont les agissements causent ou sont susceptibles de causer des dommages à l’environnement, est soumise à une taxe ou à une redevance. » Partant, les décrets d’application de cette disposition ne devront laisser aucune marge de manœuvre aux accumulateurs terriens, ligotés par la boulimie et l’ivresse foncières. L’aggiornamento du foncier, notamment le littoral, passe incontestablement par la fixation d’un cadre juridique rigoureux, ne laissant aucune échappatoire aux contrevenants.
Last but not least, aucune concession, ni négociation ne devront planer sur la gestion des ressources publiques. La gouvernance de la propriété collective, déléguée aux mandataires de la nation, doit profiter à tous sénégalais.e.s, qui ont droit au chapitre, pour répondre aux exigences de la république : la liberté et l’égalité.
Seynabou Diop, Doctorante FSJP (UCAD) ;
Mouhamadou Mansour Ndiaye, juriste publiciste FSJP (UGB)