La Problématique de la Dépigmentation Artificielle « xeesal » : un Appel à l’Action

La dépigmentation artificielle (D.A.) de la peau, connue sous le nom de « xeesal » dans notre pays, est définie comme l’ensemble des procédés visant à éclaircir la peau. C’est une pratique qui nécessite l’utilisation de produits chimiques (glucocorticoïdes, hydroquinone, etc.) sous forme de savon, crèmes, baume à lèvres, injections, etc., qui concourent à inhiber la mélanogénèse, mécanisme à l’origine de la synthèse de la mélanine. Cette dernière, responsable de la coloration de la peau, joue un rôle essentiel dans la protection contre des pathologies cutanées et générales. Par conséquent, sa destruction, par l’utilisation de produits éclaircissants, expose à des conséquences considérablement néfastes.

La D.A. pose un véritable problème de santé publique car elle est associée à plusieurs affections cutanées, allant de simples manifestations esthétiques telles que l’aspect de peau de léopard « timpi-tampa », l’ochronose exogène, « cere », les vergetures, d’infections cutanées dues à la fragilisation de la peau jusqu’au cancer de la peau. Actuellement, au Sénégal, la Pr Fatoumata LY, Présidente de la Société Sénégalaise de Dermatologie, souligne une hausse considérable des décès imputables à ce phénomène. La D.A. est également impliquée dans un large éventail de complications endocriniennes, notamment le diabète, l’hypertension artérielle, des complications nuisibles pour la santé reproductive… Malgré la prise de conscience des risques, le désir d’éclaircir la peau demeure prédominant. La quête incessante de la perfection esthétique, l’aliénation culturelle, la perte d’estime de soi ainsi que les coûts des produits et des maladies qui en découlent, représentent parmi tant d’autres, les enjeux psychosociaux et économiques associées à cette pratique.

La protection de la santé publique est urgente…

Dans une telle situation, il est impératif que les autorités du pays prennent des mesures pour encadrer l’accessibilité des produits éclaircissants. Depuis 2019, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel, convaincu par les arguments d’acteurs luttant contre la D.A., quant aux effets néfastes de la dépigmentation artificielle, a appliqué une loi interdisant la publicité de produits de dépigmentation dans les médias sénégalais. Cependant, dans le contexte contemporain des réseaux sociaux, cette loi devrait également être étendue pour réguler la vente libre de produits dépigmentant ainsi que sa vulgarisation sur les différentes plateformes en ligne (Tiktok, Facebook, Instagram …). Il est également urgent d’interdire leur fabrication, notamment du « Jamb », un cocktail de produits chimiques nocif pour la santé dont les conditions de production ne respectent aucunes règles de sécurité sanitaire.

L’interdiction de la vente et de la fabrication de ces produits constitue une cible d’intervention à privilégier. L’utilisation active de cette mesure par les autorités peut contribuer à réduire le taux de complications liées à la D A. au Sénégal.

Face à ces phénomènes, ainsi qu’à l’augmentation alarmante des complications liées à la dépigmentation artificielle dans le pays, il est impératif de s’engager dans l’application d’une telle politique. De plus, pour garantir des résultats optimaux, il sera crucial d’organiser des sessions d’information et de sensibilisation dans les écoles. Il pourrait même être envisagé d’introduire des modules éducatifs dans les programmes scolaires afin de sensibiliser dès le plus jeune âge sur les dangers associés à cette pratique nocive.

Dr Seynabou KA

kzeynabprof@gmail.com