Oumar SAMBOU: Une Tabaski sous haute tension

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A Grand Dakar ce samedi 24 juin dans la rue Habib Bourguiba sous un soleil ardent, les stars du moment occupent tout le décor. Nous sommes en face de Djakarlo chez Joe un restaurant fast-food où l’odeur des hamburgers, chawarmas et omelettes parfument toute la rue. L’ambiance est électrique et notre présence plutôt attendue. Les rumeurs d’une tension entre le maire de la commune et les vendeurs de moutons s’avèrent juste. Mamadou Sall un vendeur sous l’ombre de sa bâche nous raconte son calvaire d’avant ses installations dans les lieux « à la veille de notre arrivée, nous étions partis voir le maire de la commune comme nous le faisons chaque année. Mais cette fois-là, il nous avait parlé avec dédain allant même jusqu’à nous dire que les voitures qui stationnent dans les lieux ont plus d’importances à ses yeux ».

Quelles sont les raisons d’une telle virulence ? le vendeur répond par les questions d’appartenances politiques. Selon lui l’autorité municipale n’aime point que l’on prenne le contre-pied. Elle est allergique à la critique et si par malheur elle te reconnaissait, ton accès même au bâtiment de la mairie serait impossible. En revanche, cette version de l’éleveur n’est pas du goût d’un agent de la mairie que nous avons réussi à parler. D’après lui, l’occupation anarchique des lieux l’année dernière fut l’élément déclencheur du courroux de Jean Baptiste DIOUF maire de la commune de Grand Dakar, quand bien même ce dernier n’a ménagé aucun effort pour aider les vendeurs à s’installer dans les règles établies par le gouverneur de Dakar. En outre, chaque occupant d’une parcelle doit remettre une somme à hauteur de trente mille francs pour le nettoyage après l’évènement.

   

C’est d’ailleurs ces exigences qui font que les vendeurs soient en colère car non seulement ils se disent abandonner mais ils trouvent que la commune ne fait pas grand-chose pour les aider. Ils se débrouillent toujours seuls pour essayer de satisfaire les besoins de la clientèle. C’est dans cette lancée que nous nous sommes rapprochés d’un autre parmi eux. Il est à quelques pas de Mamadou Sall. Alioune DIALLO, se nomme-t-il est vêtu d’un boubou communément appelé “ ndiaxassou baylat ” et à ses cotés son petit-fils Samba DIALLO est en train de mélanger dans un bassin du “ ripasse ” (aliment que raffolent les moutons), du pain, des morceaux de carton et des feuilles de baobab asséchées dit

“ laalo ” en wolof, pour nourrir les moutons.

Alioune a l’air très confiant et très expérimenté mais avant que nous lui parlions, les sirènes d’une ambulance qui semblait transporter une urgence rendait la discussion inaudible. Chose qui n’a pas été sans conséquence car ayant effrayée les moutons qui d’après leur réaction venaient de faire une découverte et s’ensuivit des bêlements par-ci et par-là. Quelques minutes plus tard notre interlocuteur eut le temps enfin de répondre à nos interrogations. Il affirme que la tabaski a toujours été un évènement à problème pour eux car non seulement ils n’ont pas de subvention mais ils subissent les aléas du marché de plein fouet. L’État leur promet toujours des changements mais à chaque fois c’est la même rengaine.

Regardez-moi ! dit-il « je me suis débrouillé pour trouver l’argent mais après mon investissement me voilà encore qui fais face à la hausse des prix du foin qui est passé de cinq mille à sept mille, le

“ ripasse ” de huit mille à dix-sept mille ». Dans ses expressions faciales, notre vedette du jour semble vraiment toucher mais pourtant malgré ces difficultés il dit aimer l’élevage « j’aime élever ces moutons, j’en suis vraiment tomber amoureux mais il faut dire que c’est difficile au quotidien ». En effet, selon toujours lui, les cinq sacs d’aliments coûtent cent mille francs et qui parle d’élevage parle de durée. Les moutons font presque huit mois chez lui. Les dépenses, l’entretien sont les obstacles qu’il affronte au quotidien. Il nourrit ses moutons avec les moyens du bord et se dit parfois éviter de faire un bilan partiel pour ne pas tomber dans une sorte de découragement. Il affirme n’avoir jamais bénéficier d’aucune aide d’où qu’elle vienne.

Pourtant, les gens s’étonnent à ce que les prix soient élevés alors qu’ils ne savent peut-être pas ce que vivent ces vaillants soldats de la Tabaski. C’est après le récit de ses difficultés qu’un couple descend de sa voiture pour marchander l’un des plus beaux béliers de la bâche de notre ami du jour. “ Waleykoum salam ” répond le commerçant aux salutations de ses prospects. « Combien vendez-vous ce bélier ? » Sans broncher notre ami répond par « quatre cent soixante-dix mille ! ». Ainsi s’annonce le début d’un marathon pour trouver un prix à ce bélier. Mais après plusieurs minutes de discussion l’affaire n’est pas conclue et cela ne semble point ébranler Alioune DIALLO qui n’a pas flanché dans les négociations affirmant que la réalité du marché lui imposait d’être dans une sorte de prudence.

Toujours dans sa logique d’homme expérimenté, il se dit confiant car les clients viendront forcément et qu’il vendra tous ses moutons. C’est comme l’ognon se dit-il « il coûte très cher mais les femmes ne

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s’en passent pas ». Ce parallélisme avec les dépenses quotidiennes semble refléter la situation du moment dans un pays qui comme plusieurs dans le monde nage dans un océan d’inflation. On parle de 4% du taux d’inflation au Sénégal et la dernière mise à jour remonte au mois d’avril. Le phénomène a pris de l’ampleur et l’éleveur semble avoir des idées. D’après lui la création d’une association des éleveurs de surcroît apolitique est une nécessité à Grand Dakar car c’est le seul moyen de communiquer avec les autorités de la zone.

En plus, faire bloc autour d’un idéal permet toujours d’avoir une longueur d’avance sur les problèmes surtout quand on sait que notre investissement dépasse les dix millions. Et pour une meilleure préparation de la fête, l’État doit mettre en place des stratégies pour traiter directement avec les éleveurs qui ne sont que des investisseurs qui veulent récupérer leurs investissements. Dans les affaires ce qui compte le plus c’est la régulation.

L’État se doit de protéger ces entrepreneurs qui sont aussi importants que les firmes internationales. Leur survie est primordiale surtout quand on sait ce que représente la fête de la Tabaski aux yeux du monde musulman. A Grand Dakar comme ailleurs les autorités doivent rompre avec le système caduc d’alors pour répondre aux normes de la mondialisation qui en amont imposent une certaine compétitivité des entreprises et investisseurs. Le sénégalais qui va au Mali ou au Niger pour investir dans l’achat de moutons doit préalablement être soutenu et accompagné par l’État et cela est une obligation.

Sécurité et accompagnement sont un leitmotiv de la plupart des éleveurs que nous avons interrogés. Le banditisme grimpant, la hausse des prix des aliments et surtout la fermeté des vendeurs étrangers sont en soi une équation à résoudre pour des fêtes de Tabaski inoubliables. Consulter cette nouvelle génération de vendeurs et faire des études empiriques pour après tirer des leçons serait la bienvenue dans un Sénégal qui se veut compétitif et émergent.

Néanmoins la compétitivité du pays dépend de sa faculté à prendre le dessus sur le caractère classique du marché. L’élevage est plus ou moins urbain dans le sens où la plupart des éleveurs sont dans la capitale. Ils pratiquent un élevage moderne avec des équipements onéreux pour le confort de leur mouton mais surtout pour leur rentabilité. Ces éleveurs sont en compétition avec les saisonniers qui comptent la plupart du temps sur “ dame nature ”. D’ailleurs parfois ces derniers sont les fournisseurs des éleveurs “ modernes ” qui résident en ville et qui sont obligés de mettre la main dans la poche pour la survie de leur commerce.

Donc l’État doit encourager les éleveurs et vendeurs à s’organiser pour rendre la fête moins complexe. En somme, l’Eid-AL-Adha communément appelé Tabaski, est une fête de communion pour toutes les familles musulmanes dans le monde en général et au Sénégal en particulier. Mais l’inflation et le manque d’organisation dans le milieu du commerce et particulièrement de l’élevage font que vendeurs et acheteurs flirtent avec la mouise et le stresse qui va avec. A Grand Dakar, les éleveurs veulent être écoutés, respectés et financés. Ainsi selon eux, les consommateurs n’auront plus à subir les aléas du

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marché qui ne sont qu’une preuve récurrente de l’amateurisme endémique des autorités. Le monde est dans une sorte de compétition et où les faibles ne font pas long feu.

Oumar SAMBOU PATRIE-SENEGAL

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